La résidence pour artistes au Mont-Riding permet aux artistes professionnels de se consacrer à leur travail dans le chalet historique de Deep Bay, situé dans le magnifique cadre naturel du Parc national du Mont-Riding.
Nous vous présentons ici les artistes en résidence de cette année ainsi que leurs projets passionnants!
CAM : Parlez-nous un peu de votre pratique et de vous en tant qu’artiste.
IB : Je m’appelle Ian Bawa et je suis cinéaste sud-asiatique habitant à Winnipeg, au Manitoba. Au départ, j’ai fait mes études pour devenir avocat, mais après le décès de ma mère, j’ai décidé d’abandonner l’école de droit pour poursuivre une carrière en cinéma, et je ne l’ai jamais regretté. J’ai dû bûcher, jouer des coudes et mordre la poussière pendant de nombreuses années pour devenir un artiste à temps plein qui peut passer presque 100 % de son temps sur ses propres projets, et pour cela, je suis plein de gratitude.
J’ai travaillé et j’ai réalisé quelques différents types de films (vidéoclips, documentaire, expérimental, etc.), mais j’ai découvert que ma passion est la communication narrative, surtout les histoires centrées sur les personnages. Ces derniers temps, la plupart de mes histoires et mes films portent sur ma famille.
Parlez-nous du projet qui occupera votre temps au chalet de Deep Bay.
Présentement, je rédige le script d’un long métrage intitulé Strong Son. Strong Son est l’histoire d’un culturiste sud-asiatique qui doit emménager chez son père âgé pour pouvoir prendre soin de lui, et de l’équilibre qu’il doit trouver pour maintenir sa force et sa santé mentale tout en devenant le principal fournisseur de soins de son père.
Le film est basé sur le court métrage du même nom que j’ai réalisé. Le court métrage a été présenté en grande première au Festival international du film de Toronto de 2020, pour ensuite être présenté à de nombreux festivals prestigieux. C’est un drame autobiographique d’un père sud-asiatique qui tente de donner des conseils sur la vie et le mariage à son fils culturiste obsédé par son apparence. Le film a été filmé sur Super 8 et met en vedette mon vrai père.
Par ailleurs, le succès du court métrage m’a permis d’être invité à nouveau au Festival international du film de Toronto pour participer à leur labo de cinéaste de 2021, où j’ai assisté à un atelier pour peaufiner les concepts et la structure de l’histoire du long métrage Strong Son avec l’aide de cinéastes acclamés et de professionnels de l’industrie.
Strong Son (tant le court métrage que le long métrage) est un film personnel qui parle de mes propres insécurités, de mes difficultés à préserver les traditions culturelles et de ma relation avec mon père.
Quand j’étais enfant, mon père m’intimidait parfois. Il jouait le rôle du « mauvais flic » alors que ma mère avait le rôle du « bon flic ». Quand j’avais 20 ans, ma mère est décédée soudainement d’un cancer du sein, et mon père et moi avons dû apprendre à vivre avec le tempérament et le deuil de l’un et de l’autre.
Par la suite, j’ai fini par vivre avec mon père pendant encore dix ans, durant lesquels notre relation s’est développée pour devenir une amitié codépendante. Mon père, introverti à vie, n’avait pas d’amis et ne sortait jamais. Pour le faire sortir de la maison, je l’emmenais au centre de conditionnement physique avec moi. Il ne s’entraînait pas; il ne faisait que m’accompagner, s’asseoir sur un banc et me regarder durant mon entraînement. Ça fait drôle d’y penser aujourd’hui, mais à l’époque, c’était ma façon à moi de prendre soin de mon père.
De plus, mon père avait la très ancienne mentalité que « les hommes ne pleurent jamais », et il était irrité et se fâchait contre moi si jamais il me voyait pleurer; il me disait que je ne dois jamais montrer d’émotions et que je dois toujours être « fort ».
Enfin, Strong Son, qui signifie « Fils fort », est influencé par l’idée qu’avec le vieillissement de nos parents, nous les milléniaux verront le jour où nous devrons prendre soin d’eux, et à quel point ce moment, s’il arrive, sera difficile émotionnellement et physiquement. C’est pour cette raison que le personnage principal, le fils, a besoin d’être « fort » physiquement et mentalement.
Quelle est votre relation avec le parc et qu’est-ce que vous avez le plus hâte d’explorer?
Quand j’étais jeune, mes parents louaient occasionnellement un chalet au Parc national du Mont-Riding. Nous passions au moins une semaine là-bas et c’était comme des mini-vacances pour nous. Pour ma part, comme je n’ai pas beaucoup voyagé pendant mon enfance, ça me semblait comme un tout nouveau monde, et j’ai de beaux souvenirs, comme explorer la forêt, le village et les sites touristiques avec la famille.
J’ai hâte de retourner au Mont-Riding pour ressentir la nostalgie de m’y retrouver et n’avoir rien d’autre à faire que travailler sur moi-même et sur mon propre projet. Se rendre à un chalet et oublier le monde qu’on a quitté est quelque chose qui s’apparente à la jeunesse. Je crois que c’est un sentiment que je ressentais quand j’étais jeune et que je venais en vacances au Mont-Riding, et que j’ai en quelque sorte perdu à l’âge adulte.
Quelle influence ou inspiration espérez-vous retirer de votre projet ou votre pratique dans le parc?
J’espère que le parc me donnera la distance dont j’ai besoin pour écrire à l’écart du monde. Je suis maintenant orphelin, mon père étant récemment décédé et, malgré mon désir de produire un film qui parle de mon père et de moi, et de ce que ça prend pour être fort, je trouve que des distractions au quotidien m’empêchent d’écrire. Chez moi, la mémoire de son décès m’envahit et il m’est difficile de me dissocier de moi-même, de sa mémoire et de l’histoire que je veux raconter.
Mon objectif est d’utiliser les semaines dont je vais disposer au Mont-Riding pour achever le scénario de ce long métrage. Je crois que ma santé mentale et ma créativité trouveront un meilleur soutien dans un environnement loin des souvenirs du deuil que j’ai vécu cette dernière année. Ce ne sera jamais facile d’écrire une histoire sur mon père et moi, mais le souvenir de son décès qui m’envahit constamment a rendu la tâche difficile, et un chalet tranquille est l’endroit idéal pour m’aider à rassembler mes idées et mes souvenirs pour qu’enfin le scénario prenne forme et que je puisse le terminer.
La residence pour artistes au Mont-Riding est offerte grâce à un partenariat entre le Conseil des arts du Manitoba et le Parc national du Mont-Riding.
Un séjour au chalet de Deep Bay vous intéresse? Renseignez-vous sur la façon de présenter une demande à la résidence pour artistes au Mont-Riding par l’entremise du volet de subventions Apprendre – Résidences. Envoyez votre demande au plus tard le 1er novembre 2022 pour une résidence à l’été de 2023.