À l’approche de la deuxième série d’admissions au programme Soutien – Leaders des arts, nous nous sommes entretenus avec plusieurs personnes autochtones, noires ou de couleur (PANDC) qui sont des professionnels des arts et de la culture et dont le rayonnement s’étend tant au Manitoba que dans l’ensemble du pays, afin d’entendre leurs histoires et profiter de leur sagesse.
Notre troisième et dernier invité est Alex Sannie, coordonnateur du développement de l’industrie chez Manitoba Music. À titre de producteur de musique, interprète et présentateur accompli et primé, Alex possède 20 ans d’expérience en création musicale. Il est surtout connu comme le producteur et membre du groupe hip-hop The Lytics. Le groupe s’est produit partout dans le monde dans le cadre de grands festivals de musique et d’innombrables spectacles. En tant que producteur du groupe The Lytics, sa musique a été présentée dans des films des grands studios d’Hollywood, à la télévision et dans des campagnes publicitaires. Avec les autres membres du groupe, Alex a collaboré en studio et a partagé la scène avec des poids lourds de l’industrie tels que Nas, Jurassic 5, Sam Kuti, Childish Gambino, A Tribe Called Red, Shad, Kevin Hearn (du groupe Barenaked Ladies) et Mike D des Beastie Boys. Jusqu’à tout récemment, Alex était coordonnateur du programme d’éducation et instructeur en chef au Indigenous Family Centre.
CAM : Quand avez-vous remarqué pour la première fois votre appréciation pour les arts?
ALEX : Je me souviens que ma mère m’avait acheté un tourne-disque Fisher-Price. Il s’agissait d’un véritable tourne-disque très amusant et super facile à utiliser qui jouait effectivement des disques, mais il était aussi assez robuste pour que les enfants puissent l’utiliser. J’allais à la bibliothèque avec ma mère pour emprunter des albums de Rafi ou de Fred Penner, et il y avait un programme appelé Letter People et parfois même des activités de Sesame Street.
J’avais environ quatre ou cinq ans et je passais mes journées assis à écouter des chansons; puis je me levais et je déplaçais la pointe de lecture sur le disque pour comprendre comment faire répéter la même chanson à maintes reprises. Je ne voulais ni colorier ni dessiner; je trouvais le temps de jouer avec mes amis, mais lors des moments tranquilles j’étais dans ma chambre en train de jouer mes petits disques. Même quand j’étais plus vieux – je ne me souviens pas combien de temps j’ai gardé ce tourne-disque, probablement jusqu’en 4e année à l’école – je jouais un peu n’importe quoi sur mon appareil.
J’ai compris dès l’âge de quatre ou cinq ans que j’aimais la musique. J’aimais les différentes voix des gens et j’aimais comment je me sentais en écoutant différentes chansons.
Vous faites de la musique depuis environ 20 ans en tant que producteur et interprète. Comment votre carrière musicale a-t-elle influencé votre nouveau rôle en tant que professionnel des arts dans l’industrie de la musique?
L’important, c’est l’expérience directe, qui est réellement spéciale. Lorsque je collabore avec certains artistes de notre organisme ou dans la province, je peux en quelque sorte porter une attention particulière aux différents aspects qui ne sont généralement pas reconnus quand on en parle [avec des professionnels qui n’ont pas d’antécédents en musique].
Par exemple, lorsqu’on assiste à une conférence de l’industrie ou qu’on participe à une discussion entre experts et qu’on entend parler les gens, on pose des questions et on y répond, mais l’expérience d’écouter ces réponses est très différente quand on a vécu la situation et qu’on sait de quoi parlent les gens. Il arrive parfois qu’on se rende compte que certains renseignements ont été communiqués – les mêmes renseignements que je fournirais moi-même – mais qu’on ne leur a pas forcément accordé le poids nécessaire. Il est facile de savoir que quelqu’un a de l’expérience parce que certaines choses sont mises en évidence ou soulignées.
Lorsqu’on vient directement du côté professionnel de l’industrie, on lit sur le sujet, on se renseigne sur le sujet et on vit les expériences directes qui nous sont racontées. Mais de mon point de vue, l’aspect supplémentaire, c’est d’avoir moi-même vécu bon nombre de ces expériences. Je me sens vraiment à l’aise dans ce rôle lorsque je donne des conseils parce qu’il ne s’agit pas uniquement de mon propre point de vue. Je peux tirer parti de certaines ressources au sein de l’industrie, mais je peux également les analyser à la lumière de ma propre expérience. Cela ne change pas forcément les conseils que je donne, mais je peux certainement modifier le poids que j’accorde à certains aspects.
Un petit exemple : Je peux m’asseoir avec quelqu’un et lui dire qu’il ne se rend vraiment pas compte de l’importance d’être gentil dans cette industrie lorsqu’il essaye d’établir des liens et de progresser dans ses projets. On peut avoir un excellent plan d’affaires, mais il faut aussi un peu d’humilité, un peu de patience et de compréhension et une véritable compassion à l’égard d’autrui… Quelqu’un [qui n’a pas d’expérience directe dans le domaine des arts] pourrait vous dire : « Hé, n’oubliez pas d’être gentil. », puis ensuite passer rapidement à la prochaine chose. Il m’arrive de m’entretenir avec un artiste qui a tous les renseignements au bout des doigts; il devrait donc connaître des succès énormes mais il n’arrive pas à comprendre pourquoi cela lui échappe. C’est alors que je lui dis : « Hé, il faut qu’on passe une demi-heure ensemble pour discuter de la bonne façon d’agir et de traiter les gens; voilà ce qui vous manque. »
Cette considération, le fait d’avoir pu constater la situation par soi-même, peut vraiment influencer sa façon d’adapter ses conseils aux nouveaux venus à l’industrie.
« Fixez-vous des objectifs et recherchez toutes les occasions possibles de vous préparer à parvenir à votre destination désirée. »
En tant que coordonnateur du développement de l’industrie chez Manitoba Music, une partie de votre travail consiste à mettre les musiciens en contact avec les ressources pour les aider à développer leur carrière et à leur fournir des conseils de carrière. Quel effet cela vous fait-il d’assumer ce rôle?
C’est incroyable. La plupart de mes consultations jusqu’ici ont été vraiment révélatrices parce que je me souviens de m’être retrouvé dans cette même situation, d’être allé à Manitoba Music à un moment donné et d’avoir expliqué : « Je dois faire ceci et je dois faire cela, et j’ai donc besoin d’aide! »
J’essaie de trouver un juste milieu où je veux que [l’artiste] obtienne exactement ce qu’il espère obtenir et qu’il tienne à ses rêves, mais je veux aussi qu’il reste ancré dans la réalité. « Parce que je veux que vous réussissiez, je vais accorder une attention particulière à ces cinq étapes avant de passer à l’objectif que vous n’avez pas encore atteint »; je pense pouvoir le faire d’une façon responsable qui va lui permettre de réellement bénéficier de mes conseils.
Vous savez, c’est très agréable d’être un peu comme le Père Noël de la musique. D’offrir en cadeau les ressources et les autres choses dont l’artiste a besoin alors qu’il progresse dans le monde de la musique.
À quel moment avez-vous pris la décision de faire carrière comme spécialiste dans le domaine des arts et comment en êtes-vous venu à prendre cette décision?
Je n’ai pas réellement planifié de jouer ce rôle. Manitoba Music m’a offert un si grand nombre de possibilités partout dans le monde [en tant que membre, avant de travailler comme coordonnateur du développement de l’industrie], m’a permis d’assister à divers séminaires et m’a mis en contact avec tellement de gens qui travaillent dans le domaine de la musique, que j’ai pu me construire une base de données de contacts et de ressources au fil des ans.
Lorsque ce poste a été affiché, j’ai jeté un coup d’œil sur les exigences pour savoir ce que l’employeur attendait du coordonnateur du développement de l’industrie, et je me suis dit : « Hé! Cela me décrit à la perfection! ». J’aime jouer de la musique et m’entourer de gens qui font partie de l’industrie de la musique, alors pourquoi ne pas tenter ma chance et essayer d’en faire un travail à temps plein? Évidemment, ce serait génial de pouvoir travailler sur ses propres projets musicaux à cœur de jour, mais c’est également très réconfortant et stimulant d’aider les autres à travailler sur leurs projets à eux.
Manitoba Music et Musique et film Manitoba nous offrent un grand nombre de possibilités et nous permettent d’établir des liens avec différentes personnes et différents mentors… Quand on fait ça pendant longtemps, on apprend toutes sortes de choses intéressantes et on se fait une formation en cours de route.
C’est vraiment fascinant de pouvoir faire ce qu’on aime faire à cœur de jour, sans avoir à faire face aux pressions associées à sa propre création.
Quels conseils donneriez-vous aux professionnels des arts et de la culture qui aspirent à faire carrière ou dont la carrière prend tranquillement son envol?
Planifiez ce que vous voulez faire. J’ai mentionné m’être retrouvé dans de telles situations au fil des ans; dans mon cas, le hasard a voulu que je devienne quelqu’un qui pouvait faire ce travail. Je suis sûr que si j’avais mis suffisamment de temps, j’aurais su que je voulais travailler dans le monde de la musique – en fait, je savais depuis toujours que je voulais travailler dans le monde de la musique – ce que je ne savais pas, c’est que je voudrais le faire de ce côté-ci. Si j’avais été un peu plus conscient de la situation et que j’avais pris des décisions plus tôt, je me demande combien plus j’aurais pu en apprendre de toutes ces expériences.
Quand j’ai commencé à jouer de la musique, je disais à tout le monde : « Je veux faire de la musique. », et on me répondait carrément : « Ce n’est pas une solution; soit réaliste et arrête de perdre ton temps. ». Cela m’a obligé à me déplacer et à essayer de comprendre comment je pouvais atteindre mon objectif, ce qui a fini par être ici.
Aujourd’hui, étant donné que le paysage n’est plus le même, si vous savez que vous voulez devenir un professionnel de l’industrie, n’hésitez pas. Commencez à vous concentrer sur le rôle et en faire votre vie. Si vous assistez à un bon spectacle, écrivez un article sur le sujet et trouvez quelqu’un pour le publier. Lancez un blogue et rédigez des critiques de musique ou travaillez avec l’artiste afin de l’aider à faire progresser sa carrière. Faites tout ce que vous pouvez : créez vos propres stages, mettez-vous au travail dès maintenant, commencez à planifier et à saisir toutes les occasions qui s’offrent à vous.
Comme je vous l’ai dit, j’ai pu glaner suffisamment de renseignements de divers endroits pour me façonner une carrière. Imaginez quelle serait ma situation aujourd’hui si j’avais établi un plan de carrière, si je m’étais réellement concentré et que je m’étais dit : « Hé, c’est ça que je veux faire »! Fixez‑vous des objectifs et recherchez toutes les occasions possibles de vous préparer à parvenir à votre destination désirée.
Présentez une demande au Leaders des arts
Le subvention des Leaders des arts du Conseil des arts du Manitoba contribue à renforcer les capacités de leadership chez les individus qui se définissent comme personnes autochtones, noires ou de couleur (PANDC) dans le secteur des arts et de la culture du Manitoba. Le programme a pour objectif de permettre à plus de professionnels du groupe PANDC d’accéder à des postes de haute direction dans le domaine des arts.
Ce programme bénéficie de l’appui d’une entente de partenariat entre le Conseil des arts du Manitoba et The Winnipeg Foundation.
La prochaine date limite pour présenter une demande est le 15 février 2022! Pour de plus amples renseignements sur la façon de soumettre une demande, visitez : https://conseildesarts.mb.ca/soutien-leaders-des-arts/.