Ben Davis | Résidence pour artistes au Mont-Riding 2024

Photo: arsenical land (en cours), Ben Davis.

La résidence pour artistes au Mont-Riding donne aux artistes professionnels du Manitoba le temps de se concentrer sur leur travail dans le splendide milieu naturel du parc national du Mont-Riding.

Le prochain artiste résident pour 2024 est Ben Davis. Avant de s’installer dans le chalet historique de Deep Bay, Ben a répondu à quelques-unes de nos questions sur son travail et sur la manière dont il passera sa résidence.


CAM : Parlez-nous un peu de votre pratique et de vous en tant qu’artiste.

Ben Davis : Je suis un artiste en arts visuels et professeur d’art originaire d’Angleterre. Dans ma pratique, je m’intéresse surtout à la terre, à ses nombreuses formes et aux multiples façons dont on peut la comprendre, en particulier en ce qui concerne la justice sociale et environnementale, l’éco-esthétique, la décolonisation et la perception. Mon travail représente un large éventail de moyens d’expression, tels que le dessin, la peinture, l’installation, la vidéo et le son, souvent en collaboration avec d’autres artistes. Je m’intéresse aux aspects physiques des lieux ainsi qu’aux gens qui vivent à ces endroits, et je m’efforce de comprendre la terre en étudiant son histoire, ses utilisations et les valeurs de ses habitants au fil du temps.

J’ai participé à un grand nombre d’expositions et, depuis mon déménagement au Canada, j’enseigne à l’Université de Brandon et je participe activement à l’éducation artistique au profit de la communauté. J’ai obtenu des résidences à Banff et à Hospitalfield, j’ai reçu de nombreuses subventions d’organismes de financement, y compris le Conseil des Arts du Canada et le Conseil des arts du Manitoba, et j’ai présenté des communications et de nouvelles œuvres dans le cadre de conférences nationales et internationales.

Parlez-nous du projet qui occupera votre temps au chalet de Deep Bay. 

Je vais travailler sur une composante d’extracted, un projet à long terme qui vise à comprendre et remettre en question les pratiques d’extraction à grande échelle des ressources naturelles illustrées par celles que l’on retrouve à Uranium City en Saskatchewan et dans les environs. Cette œuvre vise à mettre en évidence les problèmes des dommages environnementaux, des déplacements, de la perte de terres, de l’expansion industrielle et de l’abandon de communautés, toutes des questions d’actualité essentielles qui sont pertinentes tant à l’échelle mondiale que locale, y compris ici au Manitoba.

extracted traite du village d’Uranium City, SK, un site déclassé de l’industrie de guerre, par rapport à la justice sociale et environnementale et l’éco-esthétique. Sur la base d’une première collaboration avec Kevin Walby de l’Université de Winnipeg, mon œuvre présente des photos, des entrevues sonores avec des résidents autochtones et des colons de Uranium City, des cartes et d’autres documents qui servent d’incitations à connaître des œuvres qui, de par leur matérialité, mettent en lumière les contradictions inhérentes dans les photos apparemment inoffensives de lacs et de terres du Nord et les recherches troublantes relatives aux mêmes endroits, de manière à attirer l’attention sur les graves conséquences pour les personnes et les lieux.

Partant de là, je me sers maintenant de l’exemple d’Uranium City pour développer une œuvre qui me permet d’aborder de façon plus générale la question de l’extraction généralisée des ressources; plusieurs sites dans le Nord, y compris au Manitoba, où les problèmes de ravages des terres, de toxicité persistante et de réinstallation forcée des peuples autochtones demeurent tous réels et pressants, particulièrement en cette période de crise climatique et environnementale au Canada.

Cette œuvre est axée sur des photos qui semblent représenter des régions d’une grande beauté naturelle mais qui, en réalité, sont toxiques. Elle intègre cinq composantes en un seul ensemble : des peintures à l’huile au bitume, des gravures de blocs d’encre à base d’huile qui disparaissent progressivement (bd_02), un collage fait de papier peint de style victorien, un rassemblement de traçages faits en groupe et une installation vidéo accompagnée d’un paysage sonore.

Au cours de ma résidence au parc national du Mont-Riding, je me concentrerai exclusivement sur ce cinquième volet; je travaillerai les séquences vidéo et la piste sonore connexe que j’ai enregistrée lors des séances précédentes de traçage en groupe, ainsi que des enregistrements de conversations et de commentaires offerts par mes guides lors de ma visite informelle l’an dernier à Uranium City et quelques sites environnants importants. Pendant mon séjour au parc du Mont-Riding, j’espère aussi enregistrer le bruit ambiant et étudier la possibilité de l’intégrer dans le paysage sonore d’extracted lorsque l’œuvre sera exposée à aceartinc., à Winnipeg, plus tard cette année.

Quelle est votre relation avec le parc et qu’est-ce que vous avez le plus hâte d’explorer?

J’ai souvent visité le parc depuis mon arrivée au Manitoba en 2008.

Le parc national du Mont-Riding est à une heure de route au nord de Brandon, où j’habite; ma partenaire et moi-même avons visité le parc à plusieurs reprises en toutes saisons, que ce soit pour faire de la marche, du vélo ou du ski de fond sur un des nombreux sentiers, pour nous détendre sur une plage ou pour nager dans le lac, mais toujours pour profiter de la nature.

Lorsque des membres de la famille et des amis viennent en visite, nous leur faisons toujours visiter le parc; il peut s’agir d’observer une mère ours et ses oursons au lac Moon ou faire de la randonnée le long du sentier de l’escarpement, partir en voiture pour explorer l’enclos à bisons ou faire un pique-nique et un plongeon rapide à la jetée à Spruces.

De 2011 à 2019, j’ai animé plus d’une trentaine d’ateliers de fin de semaine pour le compte du Dauphin Arts Group. Lors de mes allers et retours entre Brandon et Dauphin, je devais régulièrement traverser le parc du Mont-Riding par l’autoroute 10; j’avais toujours hâte à ces moments-là car ils me permettaient des aperçus paisibles du monde naturel du parc lors des transitions saisonnières de l’automne à l’hiver au printemps.

Les possibilités étaient illimitées et, même après toutes ces années et bon nombre de rencontres inoubliables avec la faune, j’ai l’impression de connaître à peine les attractions du parc.

Quelle influence ou inspiration espérez-vous retirer de votre projet ou de votre pratique dans le parc?

Le site et le cadre naturel de la résidence à Deep Bay illustrent le contraste intense entre les terres saines préservées et protégées et les terres ayant été détériorées et empoisonnées par l’extraction à grande échelle des ressources. Cela est véritablement porteur de sens et d’écho; le parc me servira ainsi d’orientation et d’inspiration dans mon travail, qui consiste à créer dans la nature afin de sensibiliser les gens à sa sauvegarde pour les générations futures. De plus, la résidence dans le parc représente une occasion unique en termes de temps, d’espace et de périodes de douce solitude qui me permettront de me consacrer entièrement à travailler la vidéo et la piste sonore que j’ai enregistrées pour le projet; il y aura aussi des conversations intéressantes avec les visiteurs curieux dans le parc, qui ont tous leurs propres expériences, connaissances, compréhensions et points de vue.

Qu’aimeriez-vous que le public et le personnel du parc sachent à propos de vous et de votre travail ?

Le travail que j’entreprendrai pendant la résidence ne représente qu’un seul aspect de ma pratique artistique, et bien qu’à première vue le montage vidéo et sonore semble bien loin de notre monde naturel, le projet dans son ensemble est intimement éclairé par les préoccupations relatives à l’environnement, aux lieux et aux gens. Je serais heureux d’avoir l’occasion de discuter de ce projet, de ces questions et de mon autre travail avec les gens.

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager avec les lecteurs et la communauté du Parc national du Mont-Riding?

En 2020, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déclaré que bien que la pandémie du coronavirus qui était en cours représentait le plus grand défi auquel le monde avait été confronté depuis la Seconde Guerre mondiale, la « crise environnementale » qui se déroule à l’échelle de la planète représentait une « urgence [environnementale] qui allait encore plus loin » et que le monde ne devait pas oublier. Dans le cadre de mon projet extracted, je travaille à réaliser l’objectif commun de ne pas oublier, en mettant en évidence la crise et en encourageant une plus grande participation de la part du public.

Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation (2015) indique que nous avons tout intérêt à écouter les Autochtones, soit les personnes les plus touchées par les impacts sur l’environnement occasionnés par les décisions prises par d’autres. En portant attention à ces voix, nous pourrions trouver un moyen de progresser vers la guérison d’une région. Grâce aux enregistrements sonores et aux séquences vidéo que j’ai réalisées lorsque j’ai visité Uranium City en juin dernier, et aux entrevues de Walby avec plusieurs résidents actuels d’Uranium City, les voix des Autochtones et d’autres personnes souvent marginalisées des communautés rurales, éloignées et partiellement abandonnées occuperont une place centrale et se feront entendre, leurs expériences, leurs opinions et leurs croyances étant un aspect fondamental d’« extracted ». Ces voix sont au cœur du projet dans son ensemble, mais surtout de la composante de traçages faits en groupe. Elles permettent de mieux comprendre, à multiples niveaux, le village d’Uranium City et son histoire difficile à partir de divers points de vue qui rendent hommage aux expressions culturelles et aux connaissances de la communauté.

La résidence au parc national du Mont-Riding représente le lieu parfait pour développer et assurer la première présentation de cette nouvelle composante audiovisuelle du projet extracted. J’espère que le contraste naturel entre la lecture des enregistrements sonore et vidéo et la discussion connexe sur les questions environnementales essentielles dans le cadre protégé du Mont-Riding en dira long. Le fait d’élaborer ce projet puis d’en discuter ainsi que des questions connexes dans le cadre relativement intact du parc national du Mont-Riding trouve un écho réel et une grande signification, car ce bel emplacement naturel n’est pas très différent de l’emplacement d’Uranium City, sauf que ce dernier a connu des effets profondément négatifs en raison de l’extraction des ressources à grande échelle et à long terme. De quelles façons le parc national du Mont-Riding serait-il touché et transformé si l’exploitation minière était un jour autorisée ici?


La résidence pour artistes au Mont-Riding est offerte grâce à un partenariat entre le Conseil des arts du Manitoba et le Parc national du Mont-Riding.

Un séjour au chalet de Deep Bay vous intéresse? Renseignez-vous sur la façon de présenter une demande à la résidence pour artistes au Mont-Riding par l’entremise du volet de subventions Apprentissage – Résidences. Envoyez votre demande au plus tard le 15 janvier 2025 pour une résidence à l’été de 2025.